De la prise en charge des patients à des interrelations humaines : comment les professionnels de la santé peuvent combler le gouffre de la solitude

Rédigé par: Claire Checkland, directrice générale de la CCSMPA et David Conn, gérontopsychiatre, coprésident de la CCSMPA et vice-président chargé de l’éducation à Baycrest.

La solitude est devenue une épidémie insidieuse. Elle a des répercussions sur le bien-être physique et mental des Canadiens et des Canadiennes de toutes les tranches d’âge. Certes, les prestataires de soins de santé s’attachent à diagnostiquer et à traiter les pathologies, mais ils sont également en mesure de reconnaître et de traiter les aspects sociaux et émotionnels sous-jacents de la vie de leurs patients. En s’attaquant à la solitude, ils peuvent jouer un rôle essentiel pour favoriser la guérison et améliorer les résultats des patients en matière de santé, tout en permettant également de prévenir une série de problèmes de santé.

La solitude est plus qu’une simple émotion passagère. Elle peut être décrite comme le sentiment d’avoir des relations sociales inférieures à nos attentes. On ne saurait trop insister sur les conséquences profondes de l’isolement et de la solitude sur la santé physique, mentale et émotionnelle des personnes âgées. De nombreuses études ont établi un lien entre la solitude et un risque accru de dépression, d’anxiété, de déclin cognitif, de maladies cardiovasculaires, d’hypertension, d’obésité et même de décès prématuré. Selon la recherche médicale, le risque accru de décès lié à l’isolement social et à la solitude est similaire à celui de fumer 15 cigarettes par jour ou d’être aux prises avec un trouble lié à la consommation d’alcool.

De manière tout aussi importante, l’isolement et la solitude sont connus pour éroder le sentiment d’utilité d’un individu, diminuer son estime de soi et réduire sa capacité à adopter un mode de vie sain.

Dans un récent commentaire publié dans le New England Journal of Medicine, Holt-Lunstad et Perissinotto ont fait remarquer que même s’il est rare de voir mentionner l’isolement social et la solitude comme cause du décès sur les certificats de décès, il est possible qu’ils soient en partie responsables de la surmortalité, toutes causes confondues, observée au cours de la pandémie. Selon eux, les cliniciens ont besoin d’une formation, de ressources et d’un soutien adéquats pour réussir à intégrer le dépistage, les interventions et l’orientation des patients dans leurs responsabilités actuelles. Ils affirment que la vie des patients peut en dépendre.

De diverses manières, les pays du monde entier tirent la sonnette d’alarme sur la solitude. Sur la base de rapports faisant état d’un nombre croissant de citoyens isolés, le gouvernement britannique a nommé un ministre fédéral chargé de la lutte contre la solitude en 2018. Cette nomination s’inscrit dans le prolongement d’une campagne nationale menée en 2011 pour mettre fin à la solitude. En 2022, le ministre chargé de la lutte contre la solitude a commenté l’effet exacerbant de la pandémie sur la solitude et a déclaré que le Royaume-Uni se trouvait encore à un « stade critique » de la lutte contre la solitude. Au début du mois de mai 2023, le Surgeon General of the United States (le directeur du Service de santé publique des États-Unis) a publié un rapport intitulé Our Epidemic of Loneliness and Isolation (Notre épidémie de solitude et d’isolement), appelant à l’élaboration d’une stratégie nationale pour promouvoir les liens sociaux. L’un des six piliers de cette stratégie consiste à mobiliser le secteur de la santé.

En réponse à ces graves préoccupations, la Coalition canadienne pour la santé mentale des personnes âgées est en train d’élaborer des lignes directrices cliniques afin d’encourager et de soutenir les meilleures pratiques de lutte contre l’isolement social et la solitude chez les personnes âgées. En utilisant ces lignes directrices, les prestataires de services sociaux et de santé pourront soutenir leurs patients et leurs clients et être en mesure de reconnaître et d’évaluer l’isolement et la solitude chez les personnes âgées et de répondre à ces défis.

L’isolement social et le sentiment de solitude sont courants dans toutes les tranches d’âge, mais les personnes âgées y courent un risque particulièrement élevé en raison de certaines circonstances de la vie et des changements souvent associés au vieillissement, notamment le fait d’être à la retraite, de vivre souvent seul, d’être en deuil ou de vivre avec des limitations physiques. Près d’un Canadien sur cinq âgé de 65 ans et plus déclare manquer de compagnie. Et pourtant, la solitude n’est pas un aspect intrinsèque du vieillissement.

Lutter contre les répercussions de l’isolement social et de la solitude sur la santé des personnes âgées nécessite une approche globale incluant les personnes âgées elles-mêmes, les prestataires de soins de santé, les organismes communautaires et les décideurs politiques. En reconnaissant et en traitant la prévalence et l’incidence de l’isolement et de la solitude, il est possible de mettre en œuvre des interventions ciblées pour traiter les problèmes de santé physique ou mentale sous-jacents, promouvoir des liens sociaux et améliorer le bien-être général des personnes âgées au Canada.

La communication entre les personnes âgées et leurs prestataires de soins de santé est essentielle pour lutter contre la solitude. En discutant de ce problème, les personnes âgées peuvent faire les premiers pas vers la recherche de solutions et les cliniciens peuvent fournir des conseils, un soutien et un accès aux ressources qui peuvent aider à combattre la solitude et à améliorer le bien-être général de leurs patients.

Les prestataires de soins de santé ont un rôle clé à jouer dans l’amélioration de la qualité de vie et la prévention des maladies au troisième âge. Aborder ces questions peut être complexe et laborieux, mais le jeu en vaut la chandelle. S’ils disposent du temps et des ressources nécessaires pour jouer leur rôle en matière de soins de santé préventifs, les professionnels de la santé peuvent aider les personnes âgées à modifier leur comportement et leur mode de vie, ce qui pourrait réduire ou prévenir l’isolement et le sentiment de solitude, réduisant ainsi la probabilité de développer un certain nombre de maladies graves à l’avenir. Grâce à une intervention précoce, à des dépistages, à des évaluations approfondies et à la collaboration, ils peuvent donner aux personnes âgées les moyens d’être en meilleure santé aujourd’hui et demain.